Et si, par malheur, le Grenelle échouait...

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Les projets de loi Grenelle pourraient constituer, si l'on allait jusqu’au bout de leurs logiques, une véritable révolution même si on ne peut que regretter une relative contradiction avec la réduction du contrôle des installations industrielles , l’absence de tout débat sur le nucléaire sans compter des décisions incompatibles prises depuis un an..

En effet, au premier projet de loi que vient de présenter Jean-Louis Borloo qui traduit les accords du Grenelle s'ajoutent un deuxième projet dédié aux moyens nécessaires puis un troisième relatif à la gouvernance. Il s'agit donc d'un nouveau projet de développement économique et social pour notre pays non seulement pour lutter contre le changement climatique et s’adapter à ses effets, mais également pour préserver la santé publique, la biodiversité et asseoir notre production sur de nouvelles bases. Ce projet est vital et incontournable. Il suppose notamment une réorientation massive de crédits publics en faveur des nouvelles infrastructures structurantes (efficacité énergétique et énergies renouvelables) au détriment d'autres politiques publiques budgétivores et clientélistes, une véritable fiscalité verte qui contrarie nombre de lobbies une nouvelle gouvernance en opposition avec le jacobinisme mais qu’appelle la société civile.

Paradoxalement, le fait que ce projet de loi soit issu du Grenelle qui représente lui-même un consensus de la société civile, même si les parlementaires et les élus locaux y ont participé, constitue déjà un obstacle majeur à son adoption par une Assemblée qui a montré son hostilité de principe par la voix de son président. La majorité parlementaire considère qu’elle seule détient le pouvoir de décider des transformations nécessaires à la France. Or, s'il est exact que c'est au Parlement que revient le choix de voter la loi, il n'en demeure pas moins que la totalité de la société, y compris ceux qui ne votent pas encore, sont directement concernés par les transformations à accomplir, car elles concernent leur vie. C'est donc en réalité à une nouvelle forme de processus démocratique qu’invite le Grenelle, forme que réfute a priori la majorité parlementaire, particulièrement peu sensible au développement soutenable , et c’est peu dire, si l’on se réfère au débat OGM.

Car, l'importance des réformes envisagées, le nombre de domaines touchés, le montant des crédits à engager constituent autant de motifs pour la majorité parlementaire de s'opposer au projet de loi Grenelle. Or, un échec de ce projet aurait des conséquences politiques, sociales , sociétales et économiques catastrophiques :

  • retard accru de la France dans tous ces domaines avec des pertes évidentes en terme économique
  • affaiblissement supplémentaire de notre pays au moment où il prend la présidence de l’Europe
  • cassure frontale entre la classe politique et la société civile, favorable au Grenelle

Si, par malheur, les projets de loi grenelle dans leur intégralité étaient vidés de leur substance et n’obtenaient pas les arbitrages financiers nécessaires, il ne resterait plus aux citoyens que d’en appeler au président de la République pour qu’il soumette , conformément à l’article 11 de la Constitution l’ensemble à referendum.

Pouvons nous espérer qu’il en soit autrement.

Corinne Lepage
Présidente de CAP21
Ancienne Ministre

Tribune parue dans le JDD du 4 mai 2008

Publié dans Corinne Lepage

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